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Le projet de recherche Grefop porté par Abdelhak Qribi (MINEA, UG) et Saskia Mugnier (LIDILEM, UGA) a été sélectionné pour obtenir un financement du pôle Pégase. Sophie Alby (UMR SEDYL, UG), Frederic Anciaux (CRREF, Universités des Antilles), Stéphanie Galligani (LIDILEM, UGA), Silvia Lopes-Macédo (CIRCEFT/ESCOL, UG) et Coralie Payre-Ficout (LIDILEM, UGA) sont les autres membres du projet.

Un consortium réunissant des équipes pluridisciplinaires de quatre contextes plurilingues couvrant la Guyane, la Guadeloupe, Grenoble et des établissements accueillant des enfants sourds en France métropolitaine se penche sur la problématique de l’enseignement/apprentissage de la/en langue officielle, le français. Il envisage des adaptations par rapport à la diversité des ancrages identitaires des enfants/élèves et les particularités liées à la surdité. La conception d’une Éducation langagière globale (Coste, 2008) en phase avec la réalité hétérogène des pratiques langagières (Léglise, 2017) est privilégiée.
Une enquête de terrain au moyen de questionnaires et d’entretiens, ainsi que des expérimentations multisites en classes testant l’impact de l’appropriation de l’apport de la dynamique plurilingue dans l’enseignement/apprentissage dans des contextes de diversité sont proposées (Causa, 2012). La production collaborative de ressources pédagogiques éprouvées, destinées à la formation des enseignants dans un contexte plurilingue, est pensée et programmée.

1. Situation générale et problématique

Suivant un rapport scientifique produit par l’UNESCO en 2016 intitulé « Comment apprendre quand on ne comprend pas ? », la non-prise en compte des langues maternelles/premières des enfants dans différents systèmes éducatifs est analysée comme une source majeure d’échec scolaire, et source d’inégalités renforcées lorsqu’elle est associée à des inégalités sociales et culturelles. De nombreux travaux scientifiques plaident en faveur d’une intégration la plus précoce possible des acquis linguistiques et culturels des élèves pour le développement de leurs capacités cognitives et affectives ainsi que pour la réussite scolaire dans la langue majoritaire de l’école (Cummins, 2001 ; 2009). Dans le cadre de la présente recherche interventionniste, un consortium réunissant des équipes pluridisciplinaires de quatre contextes plurilingues et pluriculturelles couvrant la Guyane, la Guadeloupe et Grenoble se penche sur la problématique de l’enseignement/apprentissage de la/en langue officielle, nationale comme le français, pour envisager l’adaptation du système scolaire par rapport la diversité des ancrages identitaire des enfants/élèves ou particularités liées à la surdité,  au moyen de la conception d’une Éducation langagière globale (Coste, 2008) tenant compte de la réalité hétérogène des pratiques (Léglise, 2017).

2. Argumentation scientifique du projet

Des avancées remarquables ont été faites en didactique des langes et en didactique du plurilinguisme ces vingt dernières années (Huver et Macaire, 2021 ; Candelier, 2021) et commencent à transparaitre dans les programmes scolaires, notamment ceux de 2015 et 2021. Néanmoins, un travail conséquent reste à accomplir dans le domaine de la formation des enseignants afin que les outils et recherches puissent s’actualiser au sein des espaces classes et plus spécialement dans la prise en compte du plurilinguisme présent chez les élèves.
Prendre en compte 4 contextes plurilingues : pour un « effet loupe »
Les quatre contextes (Guyane, Guadeloupe, Grenoble et contexte de surdité) sont des situations marquées par des spécificités, ils s’inscrivent dans la politique de l’École inclusive tout en touchant différentes catégories d’élèves à besoin éducatifs particuliers. Ce protocole permet de faire émerger des problématiques communes concernant les pratiques professionnelles de chacun et de proposer des pistes de remédiation. Bien qu’étant menées sur des espaces géographiques distincts, ces situations d’enseignement/apprentissage présentent au moins trois points communs interreliés : 1) l’absence de bain langagier extra-scolaire en langue française pour une grande majorité des élèves ; 2) la présence de langue(s) première(s) de socialisation ; 3) le statut de français en tant que langue de scolarisation. 
Ainsi, au sein de ces quatre contextes, ce sont les enfants qui sont porteurs d’un plurilinguisme et experts en ressources plurilingues, là où l’école impose son espace classe dans un monolinguisme et ne donnant à construire qu’une langue, le français, voire parfois, une langue vivante étrangère. Le projet permettra d’apporter des points de compréhension fine sur chacune des situations géographiques ; la mise en résonance des situations d’enseignement/apprentissage donnera à voir plus spécifiquement les points communs et les spécificités de chacune tel un « effet loupe », et servira à alimenter les possibles leviers en matière d’éducation plurilingue et interculturelle, tout en cernant les freins.

3. Objectif général

Ce projet repose sur le postulat que la prise en compte des ressources plurielles des élèves est nécessaire pour asseoir les compétences et les savoirs scolaires à construire (Meirieu, 1988 ; Perrenoud, 2003), et que cette prise en compte par l’enseignant passe par la formation à des approches plurielles (Macaire, 2020). La finalité de la recherche est double : faire avancer la connaissance de situations de plurilinguisme particulières, et contribuer à proposer des pistes de réflexion et de formation pour ouvrir des perspectives dans l’intervention éducative auprès des apprenants à besoins éducatifs spécifiques. L’hypothèse générale qui sous-tend ce travail est la suivante : une formation en direction des enseignants centrée sur l’appropriation de l’apport de la dynamique plurilingue est une voie pertinente et efficace dans l’enseignement/apprentissage dans des contextes de diversité. Son opérationnalisation se déclinera de la manière suivante :  la mise en place d’ateliers de formation au plurilinguisme dans 4 contextes géographiques et pédagogiques, intégrant des expérimentations en classe est favorable à l’émergence de pratiques enseignantes ouvertes sur la pluralité culturelle et au décloisonnement des répertoires langagiers des apprenants.

4. Descriptions du projet : protocoles et planning

Le projet se construit en 4 phases, et s’ancre résolument dans une recherche-intervention pour laquelle une approche compréhensive des acteurs, de leurs activités et de leur environnement est requise. La finalité se veut « interventionniste », c’est-à-dire que les actions menées doivent viser l’amélioration concrète d’une situation de formation, d’apprentissage. Et l’implication des acteurs dans la coconstruction des actions est priviligiée.
Phase 1. État des lieux
Cette phrase repose sur le recensement des pratiques déclarées sur l’enseignement des langues (français, LVE, autres) via une cinquantaine de questionnaires par site et 20 entretiens compréhensifs (5 par contexte) ainsi que le recensement de ressources existantes en matière d’approches plurielles et constitution d’une boite à outils livrable. Ce travail inter-sites a vocation à être diffusé à terme à plus grande échelle.  
Phase 2. Phase de co-construction inter-catégorielle de ressources de formation à destination des enseignants.
Cette phase de collaboration, s’appuie sur le travail de la phase 1, puisqu’il s’agira de sélectionner des ressources mais aussi et, surtout, de les adapter et d’en créer de nouvelles afin de nous ajuster aux problématiques soulevées par chacun des contextes. Elles seront expérimentées lors de la phase 3 de notre protocole. La boite à ressources GREFOR est livrable à ce stade.
Phase 3. Implémentation du module de formation
Phase de test des ressources et mise en œuvre de la formation auprès de 8 enseignants de cycle 2 (2 par site – Guyane, Guadeloupe, Grenoble et 2 relevant du contexte de surdité). Cette phase expérimentale intègre un pré-test ainsi que 3 ateliers, les enseignants s’engageant sur 6h de formations en ateliers, de 7 à 15h d’observation de pratiques de classe et de 1h30 à 2 d’entretien par enseignant.
Phase 4. Bilan
Phase post-test et entretiens compréhensifs avec les enseignants des ressources et mise en œuvre de la formation auprès de 8 enseignants de cycle 2 (2 par site – Guyane, Guadeloupe, Grenoble et 2 relevant du contexte de surdité).

Notre objectif, dans l’analyse de ces corpus qualitatifs et complémentaires, est d’examiner comment des enseignants construisent le récit de leur biographie langagière, comment ils y intègrent et se représentent la ou les langue(s) qu’ils enseigneront et comment cette évolution s’articule à leur parcours d’apprentissage et de formation. La mise en résonance des corpus nous permettra de vérifier si le récit par les futurs enseignants de leur propre biographie langagière a favorisé leur conscience des enjeux identitaires liés aux différentes langues qu’ils ont pratiquées ou rencontrées (Krüger et al., 2016 ; Mugnier, 2018).