Le projet de recherche ECRIRE ! porté par Marie-Paule Jacques (LIDILEM, UGA) a été sélectionné pour obtenir un financement du pôle Pégase. Fanny Rinck (LIDILEM, UGA), Stéphane Dégeorges (Conseiller pédagogique, Nyons), Sandrine Bouazza (Conseillère pédagogique, Le Teil), Claudine Lovichi (Professeure des écoles, Mollans sur Ouvèze), Sandrine Ponsa (Enseignante chargée de mission ruralité, Montbrun-les-Bains), Anne d’Arras (Professeure des écoles, Buis les Baronnies), Carole Aubert (Professeure des écoles, Bourg Saint Andéol), Frédérique Garry (Professeure des écoles, Mirabel aux Baronnies), et Virginie Justamond (Professeure des écoles, Bourg Saint Andéol) sont les autres membres du projet.
Situation générale et problématique
Faire écrire les élèves et surtout les aider à progresser en écriture est un domaine pour lequel les enseignants s’estiment démunis pour essentiellement trois motifs :
- Manque de temps, impression d’un travail chronophage, d’un chamboulement des pratiques de classe : comment se lancer dans un projet ou un « chantier » d’écriture ?
- Manque d’idées, difficulté à faire évoluer les consignes les plus usuelles, imprégnées des modèles traditionnels de la rédaction (« racontez vos vacances », « écrire la suite du texte »).
- Manque d’outils pour accompagner les élèves, manque d’outils pour analyser les textes et le processus de l’écriture.
Sur ce dernier point, le modèle de planification-mise en texte-révision (Hayes & Flower, 1980) s’est diffusé, mais la question des démarches à mettre en place reste posée. Les grilles d’évaluation se révèlent peu opérantes : lourdeur des critères dès qu’on les multiplie, critères relevant du “bien écrire” scolaire plutôt que des genres concernés, et, surtout, les grilles, détournées de leur fonction première, finissent par tenir lieu de modèle d’écriture.
Du côté des élèves, les difficultés se situent à de multiples niveaux : certains peinent à écrire, d’autres sont si prolifiques qu’ils ne respectent pas la consigne, les problèmes de langue sautent aux yeux, nuisent à l’intelligibilité des textes, empêchent de voir autrement qu’en termes de manques et de lacunes les opérations et ressources par lesquelles les élèves s’essayent à l’écriture.
Il y a dix ans déjà, l’enquête PIRLS 2011 avait mis en évidence que les élèves français sont parmi les plus nombreux à ne pas répondre aux questions ouvertes, particulièrement lorsque la réponse doit être longue (Andreu, 2018).
L’une des raisons de cette faiblesse peut résider dans le fait que, du côté des enseignants, la conformité à des attendus de surface l’emporte sur des pratiques favorables au travail de l’écriture (Bucheton, 2014 ; Garcia-Debanc, 2018 ; Vinel & Bautier, 2018). On observe chez nombre d’enseignants des représentations de l’écriture qui font potentiellement obstacle à une transformation des pratiques de classe, en particulier une focalisation sur la norme (Doquet & Pilorgé, 2020; Pilorgé, 2010). Ainsi, de nombreux outils développés par la recherche se révèlent inopérants dans l’usage qu’en font les enseignants (Duvin-Parmentier, Noyes-Rocaché & Garcia-Debanc 2021). Prenant appui sur nos recherches en didactique de l’écriture, sur notre expérience de la formation d’enseignants et sur nos collaborations avec des conseillers pédagogiques et des enseignants au sein de groupes de travail sur la production écrite dans le cadre de PEGASE, en particulier de son action 4, notre proposition est de développer, en les testant, des ressources pour le cycle 3, en collaboration avec des acteurs de terrain. Ce projet contribuera à un meilleur transfert recherche-formation-enseignement dans le domaine de l’écriture.
Notre projet est sous-tendu par plusieurs hypothèses :
- l’efficacité de l’enseignement de l’écriture implique une pratique régulière – la recherche menée par Goigoux (2016) a montré que le temps consacré à l’écriture dans les classes n’est pas à la hauteur de l’enjeu associé ;
- les progrès des élèves sont favorisés par un travail spécifique sur et une valorisation du processus lui-même et non de son résultat seul (l’écrit produit) ;
- les transformations des pratiques enseignantes réclament une action spécifique qui modifie leurs représentations (par ex. Daunay et al., 2007 ; Dolz et al., 2008).
Pour travailler ces hypothèses, nos propositions concerneront donc aussi bien les élèves, qu’il s’agira de faire écrire au quotidien, que les enseignants, dont il s’agira de travailler les représentations.
Objectifs et hypothèses
La perspective retenue est de faire écrire et travailler le processus de l’écriture en classe, et nous faisons le choix de nous centrer sur le cycle 3 qui constitue un niveau stratégique, dans la continuité des premiers apprentissages de l’écriture au cycle 2 et pour que les élèves soient aptes à faire face aux exigences du cycle 4. Les attendus de fin de cycle 2 sont d’écrire des textes en commençant à s’approprier une démarche. Au cycle 4, à partir de la 5ème, l’élève « comprend que l’écriture nécessite une méthode : une phase de préparation et de révision. Il porte un regard critique sur sa production », d’où l’importance décisive au cycle 3 d’enseigner des procédures et stratégies par une pratique régulière.
Trois objectifs définissent notre projet :
- Faire écrire les élèves « au quotidien », dans toutes les disciplines ;
- Mettre en place des dispositifs visant un travail sur le processus de l’écriture et sa socialisation ;
- Former des enseignants-auteurs, mieux à même de former leurs élèves à l’écriture.
Nos hypothèses, dont nous précisons la mise en œuvre dans la partie suivante, sont :
1) chez les élèves, l’écriture au quotidien et le travail sur le processus de l’écriture permettent de faire évoluer les compétences rédactionnelles, c’est à-dire 1a) un rapport à l’écriture favorable à son apprentissage ; 1b) des progrès observables dans leurs textes ;
2) chez les enseignants, l’expérimentation d’une posture d’enseignant-auteur, par une pratique d’écriture propre, favorise une conscience des processus et constitue un levier à la transformation des pratiques de l’enseignement et l’apprentissage de l’écriture.
Le projet que nous proposons s’inscrit dans la visée d’ensemble portée par le projet PEGASE d’un meilleur transfert recherche-formation enseignement. Il vise l’élaboration 1) de ressources et leurs évaluations pour la classe ; 2) de ressources et leurs évaluations pour la formation des enseignants ; 3) de préconisations pour des recherches de plus grande ampleur visant à évaluer l’efficacité de dispositifs en termes de progrès chez les élèves.
Les ressources pour la classe sont conçues comme le résultat d’une co-élaboration entre chercheurs, formateurs ou conseillers pédagogiques et enseignants. Il s’agit d’identifier de bonnes pratiques pour l’enseignement et l’apprentissage de l’écriture en classe, mais aussi de s’assurer de leur appropriation effective et surtout efficiente par les enseignants.